mardi 29 janvier 2019

Pourquoi Bilal Hassani dérange autant ? – Quand les ouins ouins sont de sortie


Sans grande surprise puisqu'il partait grand favori de la compétition, c'est Bilal Hassani, 19 ans, qui représentera la France pour l'Eurovision, ce concours international de chant qu'on a pas gagné depuis 1977 grâce à Marie Myriam et sa chanson L'oiseau et l'enfant.


J'ai hésité à faire cet article. Parce que je voyais les réseaux sociaux tourner en boucle sur cette affaire et que je trouvais que tout avait (peut-être) été dit. Bien comme mal. 
Mais c'est en lisant la statut Facebook d'un pote (oui je vais encore sur Facebook en 2019, je suis la première étonnée) que j'ai réalisé que parler de lui c'était lui témoigner mon soutien et surtout que c'est en remplissant ces mêmes réseaux sociaux d'amour qu'on allait finir par noyer les innombrables messages de haine qui lui sont destinés.

Parce que oui, qu'on le veuille ou non, Bilal Hassani subit des vagues d'harcèlement qui se sont intensifiées depuis sa participation à Destination Eurovision (le concours qui permet de désigner notre candidat pour l'Eurovision). Car oui, ces vagues d'harcèlement remontent à plus longtemps encore.


Bilal Hassani est un jeune chanteur qui avait participé en 2015 à la deuxième saison de The Voice Kids. Il s'est en parallèle fait connaître sur YouTube grâce à ses vidéos de cover musicales, de makeup et de storytimes. Il avait déjà rencontré un succès certain avec une base d'abonné·es solide faisant partie de ce YouTube adolescent que je ne connais que très peu (je pense à tous·tes ces créateurs·ices qui ont le vent en poupe -vraiment je parle comme une vieille c'est chô- comme Sundy Jules, Lena Situations, Clara Marz...etc. Si ces noms ne vous disent rien, c'est normal, mais sachez que ce sont les stars de ce YouTube là, si je ne dis pas trop de bêtises).

Mais le jour où tout a basculé (pas comme cette mauvaise émission de TF1 que je ne peux pourtant pas m'empêcher de regarder quand je suis en vacances), c'est quand Bilal a publié sa cover de Djadja, le célèbre titre d'Aya Nakamura, il y a 5 mois de ça.


Le grand public a alors découvert Bilal, sa voix, son maquillage et ses perruques. Il en fallu aussi peu pour que tous les ouins ouins de France et de Navarre déversent leur venin sur Twitter.

Des hommes, qui se sont sentis menacés dans leur masculinité de vomir leur haine à l'encontre d'un jeune homme qui ne cherche qu'à exprimer ses talents artistiques. 
Je parle d'hommes, mais évidemment ils ne sont pas les seuls concernés.

Je me souviens très bien du 13 novembre dernier, triste date anniversaire des attentats qui ont touché la France où d'immondes personnes ont partagé une vidéo de Bilal chantant en acoustique à l'occasion d'un showcase et affirmant que c'était lui et ce concert que les terroristes auraient dû attaquer le 13 novembre 2015. 



J'essaye franchement de rester polie face au dégoût que m'évoque ces gens, ces tweets mais je me demande sérieusement à quel point il faut être un énorme sac à merde pour balancer de telles horreurs. Bilal avait reçu un tel flot de haine qu'il avait sorti une vidéo pour parler de cette situation gravissime.


En France, on avait déjà eu un aperçu de ce à quoi pouvait ressembler une vague de cyber harcèlement notamment suite au cas de Marion Séclin qui avait été plusieurs fois la cible de raids de la part du forum 18-25 de JV.com tout ça parce qu'elle avait partagé publiquement des idées qui ne plaisaient pas à tout le monde – et qui n'incitaient ni à la haine ni à la violence -. Fort heureusement, Marion est quelqu'un d'extrêmement courageux, qui n'est pas facilement impressionnable et qui a su tenir tête à toute cette violence.

La situation de Bilal ne s'est donc pas améliorée depuis l'annonce de sa participation à Destination Eurovision et s'est même amplifiée depuis samedi dernier, date où il a remporté ce premier concours.

Les personnes qui l'attaquent depuis sa participation sont sûrement les mêmes qui se sont senties attaquées dans leur masculinité lorsque la marque Gillette a publié ce spot de pub prônant une masculinité non toxique et qui ont cru faire preuve d'acte héroïque en jettant leur rasoir de la marque à la poubelle ou dans les toilettes avec un air plus ridicule que solennel.


Nous avons la chance de voir notre pays représenté par une personne racisée, homosexuelle, qui porte du maquillage et des perruques et qui par là délivre un message à celles et ceux qui ont pu se sentir un jour exclu·es, différent·es, anormaux·ales parce qu'ils ou elles ne n'empruntaient pas les sentiers battus de notre société qui jusque là a fait tout ce qu'elle pouvait pour protéger le privilège blanc en invisibilisant celles et ceux qui n'entraient pas dans ce schéma et qui ne faisait qu'encourager le mal-être ambiant.

Que l'on aime pas sa voix ou sa musique est une chose, mais il faut cesser d'avancer ce motif pour déverser sa haine homophobe/transphobe (alors qu'en plus de ça il n'est en aucun cas trans mais de toute façon ce n'est pas non plus une raison hein).

Ce que je trouve génial, c'est que ce soit un jeune homme de 19 ans qui ne fait que chanter qui fasse trembler de peur, ça en dit tellement long sur leur courage à deux balles.

Profiter de son image pour déverser sa haine en se dédouanant d'être homophobe parce qu'Emmanuel Moire était aussi dans la compétition, c'est aussi valider le fait qu'Emmanuel Moire (que j'adore) incarne une homosexualité discrète, presque invisible, celle qui ne dérange pas. Vous savez, comme quand à l'époque les gens se disaient « il en est ». Bilal se montre, crie à qui veut l'entendre qu'il est heureux d'exister et d'être qui il est et c'est ça qui pose problème.

Quoi qu'il en soit, je trouve que c'est un message d'espoir formidable pour beaucoup. Surtout que j'éprouve un malin plaisir à doubler mon soutien à Bilal en voyant à quel point ça pouvait en faire criser certain·es.

Et je suis d'autant plus ravie que j'ai su il y a quelques jours qu'il comptait porter plainte contre toutes les personnes qui ont pu l'insulter en raison de son orientation sexuelle ce qui je l'espère va faire avancer la cause des personnes cyberharcelées. Sans compter qu'il reçoit pour cette entreprise l'aide des associations Stop Homophobie, Mousse et Urgence Homophobie. J'espère aussi que ça aura vocation à rappeler à toutes et tous non seulement que l'anonymat n'est pas un garde-fou mais également que la prise de parole sur Internet a autant d'importance que celle délivrée IRL.
Bilal est là pour vous rappeler que vous êtes libres d'être qui voulez, d'aimer les perruques et le maquillage même si vous êtes un homme et que ça ne doit regarder que vous et vous seulement. Et c'est notamment pour cela que je le soutiens à fond (en plus d'adorer sa voix, ha).

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