mardi 16 avril 2019

Parlons grossophobie – « Gros » n'est pas un gros mot


Il y a certains livres qui mériteraient d'être disponibles dans tous les collèges et lycées. Tel était le cas pour Le Grand Mystère des Règles de la talentueuse Jack Parker dont je vous ai déjà parlé ici. « Gros » n'est pas un gros mot est de ceux-là.


Grossophobie (nom féminin) : ensemble des attitudes hostiles et discriminantes à l'égard des personnes en surpoids.

Si vous n'êtes pas en surpoids, il est tout à fait probable que vous n'ayez pas conscience de la violence de notre société envers les personnes qui le sont : nous n'acceptons pas les gros·ses. Non seulement victimes de préjugés, de rumeurs, ils/elles doivent également se démener pour s'habiller, se soigner, trouver du travail et encore bien d'autres choses. On imagine les gros·ses fainéant·es, seul·es responsables de leur situation. Mais est-ce que l'on sait si ce surpoids n'est pas lié à une maladie ? À un trouble psychique ? À n'importe quel autre élément déclencheur ? Et en fait, même si tout cela n'est lié à rien, qu'est-ce qui nous laisse croire que l'on peut juger autrui sans vergogne ?

On ne se pose pas la question

On ne se pose pas la question de savoir jusqu'à quelle taille vont les fringues que nous achetons.
On ne se pose pas la question de savoir comment les gros·ses font pour passer un scanner à l’hôpital alors même qu'on se sent déjà à l'étroit.
On ne se pose pas la question de savoir si les gros·ses peuvent s'asseoir dans des sièges à accoudoirs inamovibles.

On ne se pose pas la question, et c'est bien ça le problème.

Pas de remise en question, pas de compassion. Pourquoi ? Parce qu'on a grandit dans l'idée qu'être gros·se n'est pas la normalité et que de ce fait il n'y avait qu'à perdre du poids pour être de nouveau accepté·e.

Ce livre, sorti il y a bientôt un an, n'a pas pour ambition de glorifier l'obésité. Ce livre a pour ambition de faire prendre conscience aux gens une réalité qui leur paraît invisible. De mettre des mots sur ce qui n'a jamais été dénoncé.

Crédit photo: Jérôme Bonnet pour Libération

Daria Marx & Eva Perez-Bello, les formidables autrices de ce livre, oeuvrent déjà depuis plus longtemps à la lutte contre la grossophobie. Elles ont fondé le collectif Gras Politique leur permettant d'organiser des évènements pour informer, dénoncer, soutenir et réunir. Leur travail est essentiel et important.

J'ai été outrée par les témoignages parsemés tout au long du livre, de l'agressivité avec laquelle les gens interagissent avec les gros·ses. Comme si leur poids leur retirait toute sensibilité, alors qu'on ne s'imaginerait pas s'adresser comme ça aux gens dans la rue. Enfin je ne sais pas, les personnes qui jettent des regards noirs à une grosse en train de s'acheter un panini au fromage à la boulangerie fait-elle la même chose avec le client juste après, qui commande un truc tout aussi gras mais qui est svelte ? Je pose la question mais je connais la réponse : non. 

Comment un être humain normalement constitué peut-il s'adresser à un autre être humain normalement constitué en lui interdisant de monter dans un métro parce qu'il est bondé, à cause de son poids ? De quel droit ?

Croyez-moi bien, j'avais quelques soupçons sur la difficulté des gros·ses à vivre dans notre société mais il m'a bien fallu ce livre pour mesurer l'ampleur des dégâts.

Discrimination à l'embauche, mépris du personnel soignant, achat forcé d'une deuxième place en avion en fonction du poids, « Gros » n'est pas un gros mot fait l'état des lieux de cette réalité réduite au silence. Il permet également de rappeler l'importance de la compassion et des rôles modèles.

Je le disais en intro: ce livre est à mettre entre toutes les mains. Si les gros·ses y trouveront un refuge et un soutien, il est primordial que ce livre soit également lu par les personnes qui justement ne se sentent pas concernées. Histoire de s'informer et de ne plus être complice de ce climat hostile.



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