Il
y a certains livres qui mériteraient d'être disponibles dans tous
les collèges et lycées. Tel était le cas pour Le Grand Mystère des Règles
de la talentueuse Jack Parker dont je vous ai déjà parlé ici. « Gros » n'est pas un gros mot est de ceux-là.
Grossophobie (nom féminin) : ensemble des attitudes hostiles et
discriminantes à l'égard des personnes en surpoids.
Si
vous n'êtes pas en surpoids, il est tout à fait probable que vous
n'ayez pas conscience de la violence de notre société envers les
personnes qui le sont : nous n'acceptons pas les gros·ses. Non
seulement victimes de préjugés, de rumeurs, ils/elles doivent
également se démener pour s'habiller, se soigner, trouver du
travail et encore bien d'autres choses. On imagine les gros·ses
fainéant·es, seul·es responsables de leur situation. Mais est-ce
que l'on sait si ce surpoids n'est pas lié à une maladie ? À
un trouble psychique ? À n'importe quel autre élément
déclencheur ? Et en fait, même si tout cela n'est lié à rien,
qu'est-ce qui nous laisse croire que l'on peut juger autrui sans
vergogne ?
On ne se pose pas la question
On
ne se pose pas la question de savoir jusqu'à quelle taille vont les
fringues que nous achetons.
On
ne se pose pas la question de savoir comment les gros·ses font pour
passer un scanner à l’hôpital alors même qu'on se sent déjà à
l'étroit.
On
ne se pose pas la question de savoir si les gros·ses peuvent
s'asseoir dans des sièges à accoudoirs inamovibles.
On
ne se pose pas la question, et c'est bien ça le problème.
Pas
de remise en question, pas de compassion. Pourquoi ? Parce qu'on
a grandit dans l'idée qu'être gros·se n'est pas la normalité et
que de ce fait il n'y avait qu'à perdre du poids pour être de nouveau
accepté·e.
Ce
livre, sorti il y a bientôt un an, n'a pas pour ambition de
glorifier l'obésité. Ce livre a pour ambition de faire prendre
conscience aux gens une réalité qui leur paraît invisible. De
mettre des mots sur ce qui n'a jamais été dénoncé.
Crédit photo: Jérôme Bonnet pour Libération
Daria
Marx & Eva Perez-Bello, les formidables autrices de ce livre,
oeuvrent déjà depuis plus longtemps à la lutte contre la
grossophobie. Elles ont fondé le collectif Gras Politique leur permettant d'organiser des évènements pour informer, dénoncer,
soutenir et réunir. Leur travail est essentiel et important.
J'ai
été outrée par les témoignages parsemés tout au long du livre,
de l'agressivité avec laquelle les gens interagissent avec les
gros·ses. Comme si leur poids leur retirait toute sensibilité, alors qu'on ne s'imaginerait pas s'adresser comme ça aux gens dans la
rue. Enfin je ne sais pas, les personnes qui jettent des regards noirs à
une grosse en train de s'acheter un panini au fromage à la
boulangerie fait-elle la même chose avec le client juste après, qui
commande un truc tout aussi gras mais qui est svelte ? Je
pose la question mais je connais la réponse : non.
Comment un
être humain normalement constitué peut-il s'adresser à un autre
être humain normalement constitué en lui interdisant de monter dans un métro parce qu'il est bondé, à cause de son poids ? De
quel droit ?
Croyez-moi
bien, j'avais quelques soupçons sur la difficulté des gros·ses à
vivre dans notre société mais il m'a bien fallu ce livre pour
mesurer l'ampleur des dégâts.
Discrimination
à l'embauche, mépris du personnel soignant, achat forcé d'une
deuxième place en avion en fonction du poids, « Gros »
n'est pas un gros mot fait l'état des lieux de cette réalité
réduite au silence. Il permet également de rappeler l'importance de la compassion et des rôles modèles.
Je
le disais en intro: ce livre est à mettre entre toutes les mains. Si
les gros·ses y trouveront un refuge et un soutien, il est primordial
que ce livre soit également lu par les personnes qui justement ne se
sentent pas concernées. Histoire de s'informer et de ne plus être complice de ce climat hostile.
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