mardi 22 octobre 2019

Joker – Une adaptation ciné doit-elle forcément être fidèle aux comics ?


Je l'ai attendu dès son annonce. J'ai patienté, prévoyant d'aller le voir le jour même. Et puis finalement non, par manque de temps. J'y suis allée une première fois, trop tard. Place redistribuée. J'ai ravalé mon seum et je suis allée taper un sushi pour noyer mon désespoir. Et mercredi dernier, enfin.

Enfin, l'espoir de rattraper le fiasco de sa dernière interprétation, fiasco causé par l'appât du gain. J'y suis allée dans un état d'esprit différent cette fois : j'ai laissé tomber les attentes que j'ai l'habitude d'avoir quand je vais voir ce type d'adaptation. Surtout parce qu'il avait été présenté comme étant loin de ce qu'on avait déjà pu voir. Et je crois que c'est un beau service que je me suis rendu là.

Mercredi dernier je suis allée voir Joker, et j'ai adoré.


Réalisé par Todd Phillips, le même Todd Philips qui avait réalisé Very Bad Trip, Joker a réussi à cocher toutes les cases d'une adaptation ciné réussie. Quand je dis « les cases », ce sont les cases que j'ai défini car soyons d'accord : je vais parler en toute subjectivité et vous avez donc, plus que jamais, le droit de ne pas être du même avis. On peut même en discuter, c'est pas formidable ?

Ce n'est probablement pas un secret pour les habitué·es de ce blog et les gens qui me connaissent : j'aime l'univers Batman. Non, J'ADORE l'univers Batman. J'ai d'ailleurs déjà écrit plusieurs fois sur ce sujet, tantôt pour vous proposer mon casting idéal, tantôt pour vous conseiller quelques comics pour aborder son univers.

Et c'est en partageant l'article de mon casting idéal pour un potentiel film Batman que je me rends compte que Joaquin Phoenix est le Joker dont je n'imaginais pas avoir besoin dans ma vie. Une prestation époustouflante qui ne fait que confirmer que Joaquin Phoenix est en train de devenir l'un des plus grands acteurs de son temps (Vous avez vu A Beautiful Day sérieusement ?! C'est fou comme je l'aime). Quelle pression incroyable d'incarner l'un des méchants les plus populaires de la pop culture... Et pourtant, il s'en est sorti avec brio !


Joker est un film glaçant, parfaitement ancré dans le climat actuel. L'action se déroule pourtant dans les années fin 70/80, exactement comme dans la très bonne série Gotham, qui relate les années précédant la naissance de Batman (je dis la naissance de Batman mais Bruce a déjà une dizaine d'années à ce moment-là).

Si cette adaptation m'a touchée, c'est surtout parce que ce que j'aime chez Batman et dans son univers, c'est la possibilité de transposer son histoire dans le vrai monde. Et c'est exactement pour cette raison que je suis autant friande de la trilogie Nolan. Moins de carton-pâte, plus de réalisme. Des personnages sans superpouvoirs (ce qui explique que je n'ai pas réussi à accrocher aux comics Batman Metal et que j'exècre les interventions de Superman dans le récit).

Je me suis demandée environ cinq minutes si je devais vous partager mon avis sur le film. Est-ce qu'on en avait pas déjà trop parlé ? Est-ce que j'allais pas me faire tomber dessus par les blogueurs/critiques ciné puristes qui s'approprient le personnage et qui considèrent que tout fan de la trilogie de Nolan n'est pas un vrai fan. Mais en fait je m'en fous. L'univers Batman fait partie intégrante de ma vie et il aurait été surprenant de ma part de ne pas en parler, justement.

Ne nous voilons pas la face : il est loin d'être évident d'adapter le Joker au cinéma. Non seulement en raison de la complexité du personnage, qu'il ne suffit pas de caricaturer pour incarner, mais aussi en raison des attentes extrêmement hautes des fans qui peuvent parfois s'avérer très sévères. Et pourtant le pari est assuré !


Le film met l'accent sur le chaos. Le chaos grandissant de la ville de Gotham, causé par le Joker, qui quant à lui sombre peu à peu dans la folie.

Arthur Fleck (Joaquin Phoenix) est un homme solitaire qui vit avec sa mère, incarnée par l'incroyable Frances Conroy (Six Feet Under, American Horror Story). Pour gagner sa vie, il joue au clown, tantôt devant les magasins pour attirer les clients, tantôt pour apporter un peu de joie aux enfants malades dans les hôpitaux. Seulement voilà, Arthur est socialement inadapté. Personne ne comprend son humour, il ne prend pas moins de 7 médicaments différents et éclate de rire dans des situations qui ne sont absolument pas drôles. Il a cependant un rêve : devenir comédien de stand-up.


À la manière du brillant comic The Killing Joke (sorti en 1988, écrit par Alan Moore et Brian Bolland), Todd Phillips démontre qu'il ne suffit que d'une seule mauvaise journée pour vriller et entrer dans le monde de la folie. J'ai littéralement adoré le fait qu'Arthur devienne officiellement le Joker le jour où les parents de Bruce se font tuer dans la célèbre Crime Alley. Parce que symboliquement, c'est ce jour-là que Bruce est devenu Batman. Parce que le Joker et Batman forment un duo indissociable, qu'ils n'ont pas vraiment de raison d'exister l'un sans l'autre. Parce qu'ils sont frères sans l'être, malgré leur grande différence d'âge et d'ADN.

Conscient de son héritage, Joker multiplie les références à la trilogie de Nolan.

Référence à la prestation légendaire d'Heath Ledger dans la voiture de police qui emmène Arthur au poste.


Le code couleur de cette version du Joker est sans aucun doute inspirée par les sbires du Joker dans The Dark Knight, que je vous remémore avec l'incroyable scène d'ouverture du film :


Du rouge et du bleu donc, avec utilisation des masques qui n'est pas là par hasard puisqu'elle en devient grandiose à partir de la grève/révolte qui paralyse Gotham vers la fin du film et qui clôt le film par ce message implicite formidable : « Gotham est perdue, nous sommes tous et toutes à la merci du Joker ». Un code couleur pourtant éloigné du traditionnel rouge vert et violet, pourtant emblématique du personnage. Un choix esthétique ? Un message adressé aux sbires dans les films de Nolan ? Je n'ai pas la réponse mais je souligne cependant la présence du vert dans la chevelure d'Arthur qui décide se teindre les cheveux au cours du film.



Joker puise son inspiration dans les comics, évidemment mais pas seulement. Il a aussi majoritairement été influencé par plusieurs films qui expliquent aussi la présence de Robert De Niro au casting : Taxi Driver (1976), The King of Comedy (1982) et The Network (sans De Niro).

Difficile de nier le parallèle entre Taxi Driver et Joker. Robert De Niro y incarne un chauffeur de taxi ancien marine insomniaque et solitaire qui se met à tuer en raison de sa confrontation brutale à la violence dans les rues de New-York. Les personnages de Travis et d'Arthur sont très proches mais diffèrent sur une caractéristique principale : si les deux personnages ont pour ambition de « nettoyer la ville », Travis montre une volonté d'héroïsme en sauvant la jeune Iris, jouée par Jodie Foster (Le Silence des Agneaux, Un Long Dimanche de Fiançailles).


The Network est un film que j'ai découvert grâce aux séances de ciné Panic ! x Chroma (désormais sans les Chroma) dont j'ai déjà parlé. Il constitue une influence incontestable du Joker. un journaliste TV se fait renvoyer après 20 ans de bons et loyaux services en raison d'une perte d'audimat. Lors de ses dernières émissions, le journaliste devient de plus en plus provocant, allant même jusqu'à menacer de se suicider. Il développe alors tout un discours sur le sens de la vie et devient un gourou de la télévision. L'émission connaît alors un succès fou.

L'influence est tellement forte que mon meilleur pote est jusqu'à aller me faire remarquer que l'on voit littéralement écrit « The Network » sur le plan final de l'émission de Murray avec la coupure du direct où l'on voit tous les écrans de télé. Je crois qu'on ne peut pas faire plus évident.


Dans The King of Comedy ou La Valse des pantins en français, Rupert Pupkin (joué encore une fois par De Niro) ne rêve que de devenir comique. Tout comme le Joker de Philips, il idéalise une grande figure de la télé (Murray, incarné par De Niro), allant jusqu'à outrepasser la raison pour atteindre son but. Le film est d'ailleurs très associé à Taxi Driver.


Ces références cinématographiques permettent justement au film d'être un peu plus ancré dans le réel, puisque nous sommes entraîné·es vers des points de repère que nous connaissons bien. Elles ne pouvaient donc que me faire pencher que du côté de la satisfaction et de la joie.
Si le film n'est pas une copie conforme de l'origin story du personnage, les éléments principaux de son histoire y restent néanmoins présents : une folie grandissante, des origines familiales troubles, une volonté de devenir comédien, la présence de personnages emblématiques comme Thomas, Martha et Bruce Wayne ou encore Alfred Pennyworth.


L'histoire prend un chemin différent pour plusieurs raisons : pas de plongeon dans les eaux chimiques d'Ace Chemicals, pas d'ancien emploi dans cette usine, pas de Red Hood, pas d'intelligence particulièrement impressionnante qui fait du Joker un fin et brillant stratège.

Et le plus flagrant : pas de chaos total dans la tête du Joker. Je m'explique ; le Joker fout constamment le bordel dans la ville de Gotham pour une seule et unique raison : il se nourrit du zbeul. Il rejette toute rationalité et ses agissements ne trouvent généralement pas de fondement. Il le dit d'ailleurs lui-même dans The Killing Joke « Les souvenirs sont la base de notre raison. Refuser d'y faire face, c'est nier la raison elle-même ». Il revendique son rejet du bon sens. Là où le Joker incarné par Phoenix agit surtout par vengeance. Vengeance de Randall (collègue de travail), vengeance de sa mère qui lui a menti, vengeance de Murray qui s'est moqué de lui en public.


En temps normal, une absence de fidélité sur cet élément fondamental m'aurait perturbé: le chaos qui règne dans sa tête et son rejet du passé constituent pourtant l'essence du personnage. Pour autant, ce manque ne m'a pas tant dérangée. Parce que l'histoire du film suffit à elle-même. Je m'interroge donc :  Une adaptation ciné doit-elle forcément être fidèle aux comics ?

Selon moi, il est évident que la réponse est non. Évidemment, je ne peux pas m'empêcher de frétiller de plaisir quand je vois des références aux origin stories des personnages que j'aime. Je vois ça comme un big up très plaisant mais pas indispensable. Enfin pas indispensable, tout dépend du contexte.

Si on reprend l'exemple de la version officielle de Suicide Squad, le fait de ne pas suivre l'origin story du personnage m'a vraiment énervée. Pourquoi ? Non seulement parce que les messages renvoyés n'étaient pas bons mais surtout parce que je sentais toute la dimension économique qui ne se cachait absolument pas derrière sa réalisation. Un Joker gangster dont l'esthétique a été entièrement volée au groupe Die Antwoord, une vision glamour de sa relation toxique avec Harley Quinn, le tout relaté en 10 minutes de film alors que toute la promo du film tournait autour de son personnage... Bref, rien de très réjouissant. Toujours est-il que l'origin story du Joker racontée dans Suicide Squad s'avère bien plus que bancale et c'est ce qui m'a mise hors de moi.

Avec Joker j'ai senti un respect profond pour le personnage. Une prise de liberté consciente et non pas motivée par les sous. Exactement comme l'avait fait Nolan, de manière encore plus intéressante, si je puis dire. Quand Nolan fait un pas de côté en révélant que le premier prénom de John Blake, joué par Joseph Gordon Levitt (Inception, (500) jours ensemble), est en réalité Robin, je trouve ça surprenant et je considère tout à fait ce choix (bon après c'est aussi parce que je trouve la Bat-family un peu osef).


Il ne faut pas non plus oublier que malgré ce qui est raconté dans The Killing Joke, les origines du Joker n'en restent pas moins floues et pour cause : il s'agit d'une des origines POSSIBLES du Joker. Mais ce n'est pas nécessairement la seule vérité. Je cite encore une fois le personnage dans le comic : « Tant qu'à avoir un passé, autant qu'il existe en plusieurs versions ! ». Sans parler du fait que l'univers DC comme Marvel sont truffés d'univers parallèles, où tout est possible. Et c'est ce qui leur donne cette richesse infinie et une source d'histoires inépuisable.

Oui, j'ai adoré Joker. Je comprends tout l'engouement qui s'est construit autour de ce film, pourquoi il raisonne autant chez le public : il dépeint une révolte grandissante qu'on ne peut plus nier dans notre monde actuel. En fait, il est automatiquement devenu une de mes adaptations préférées de l'univers Batman et je suis curieuse de voir ce qui va se faire en réaction à ce film.

Vous en avez pensé quoi, vous ?

1 commentaire:

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