Je
croise de plus en plus la route du terme « sororité » au fur et à
mesure de mes divagations sur les réseaux sociaux. Qu'importe la
plateforme, je finis toujours par tomber dessus. Oui bon : je traîne
souvent dans les cercles féministes, militants, pour voir ce qui se
dit, ce qui s'y fait, se tenir au courant des choses quoi. Et
forcément, c'est un vocabulaire que j'ai fini par intégrer. Mais
laissez-moi vous raconter la relation complexe que j'ai avec ce mot.
D'après
le dico, la sororité désigne une « attitude de solidarité entre
femmes » (Larousse, toujours al pour les bons bails). On parle donc
du fait d'être liées les unes aux autres, d'avoir des intérêts
communs.
Dans
l'idée, ce mot et le concept qui s'y rattache me tiennent à cœur.
Bien entendu, je veux que les femmes se soutiennent entre elles.
J'estime d'ailleurs être dans une dynamique d'entraide et de
positivité. La sororité au sens où je l'entends, c'est par exemple
soutenir les femmes artistes que je découvre, partager leurs
créations sur mes réseaux sociaux, leur filer des tips pour une
chose ou une autre, bref être dans l'encouragement et les conseils.
Le mot sororité, pour moi c'est de la bienveillance à l'état pur.
J'ai
pourtant l'impression que d'une part c'est un terme qui est parfois
mis à mal et de l'autre, je ne peux pas m'empêcher de m'interroger
sur tout ce que cela implique.
Quand
je dis que ce terme est mis à mal, c'est parce que j'ai vu plusieurs
fois passer des messages appelant à plus de sororité dans un milieu
qui se voulait bienveillant. Je repense par exemple à
l'illustratrice Cy. qui a été contrainte d'expliquer pourquoi elle
n'acceptait pas les demandes d'illustrations gratuites pour les
collectifs féministes.
Je reçois beaucoup de demandes de "collaborations" - donc gratuit hein - de comptes insta à vocation militante.— Cy. (@YeahCy) February 2, 2020
Je vous mets ma réponse type pour informer les personnes qui seraient tentées de m'en demander et partager mes arguments à celles qui en aurait besoin. pic.twitter.com/PesanAehm2
Évidemment,
je sais aussi que ce genre de collectifs ne roule pas sur l'or voire
ne roule sur rien du tout. Mais culpabiliser quelqu'un sur son refus
de se retrouver dans une situation de précarité, c'est quand même
fort de café. Dans ce cas, invoquer la cause et attendre la personne
propose son aide d'elle-même me paraît être une démarche plus
viable et respectueuse des autres.
D'un
autre côté, comme je le disais, j'ai la sensation que le terme de
sororité implique des choses pour lesquelles je ne souhaite pas
signer.
Si
l'on prend les cas des abonné·es qui reprochent aux vidéastes
leurs agissements sous certaines vidéos, j'ai encore du mal à
accepter que l'on puisse tacler quelqu'un qui ne ferait pas assez
d'effort selon Jean-Michel Engagé. Oui ok, la phrase ne voulait pas
dire grand chose alors je prends l'exemple que
j'avais cité dans cet article.
«
Coline, la créatrice du blog et de la chaîne YouTube Et Pourquoi
Pas Coline est vegan. C'est un sujet qui lui tient à cœur, tout
comme celui de l'écologie. L'affinité qu'elle a pour ces sujets a
fait qu'elle a produit et continue parfois de produire un certain
type de contenus visant à donner des conseils ou sensibiliser là
dessus. Si bien que lorsqu'elle explique dans un tout autre type de
vidéo qu'elle
a enfin réussi son permis moto
et qu'elle raconte la joie dans l'âme qu'elle a pu faire une balade
à moto pendant 1 heure avec son compagnon un week-end, un certain
nombre de personnes lui répondent qu'il est tout à fait scandaleux
qu'elle utilise sa moto pour une balade, elle qui sensibilise à
l'écologie.
Évidemment
ce n'est qu'un exemple tiré d'une vidéo, mais c'est comme ça pour
tout. On va crier au scandale si elle a eu le malheur de porter une
veille paire de chaussures en cuir ou que sais-je. C'est quelque
chose que l'on voit beaucoup lorsque des influenceur·euses vont se
réclamer vegan par exemple et je dois avouer que j'ai du mal à
accepter ce type de commentaires condescendants, en partie à cause
de la pression et les angoisses que ça doit engendrer. »
L’exemple concerne l’écologie, mais en fait, il est tout à fait transposable aux questions féministes. Selon moi, afficher une femme sur la place publique parce qu’elle n’a pas exactement le même positionnement que soi ce n’est pas de la sororité. C’est contre-productif alors que nous devrions être dans une dynamique de camaraderie pour nous aider à progresser. Parce que plutôt que de s’élever, nous préférons rester cloîtrées dans le jugement, ce qui a pour conséquence de renvoyer aux autres une impression de division, de dispersion. Alors que l’idée est au contraire de s’unir et de se galvaniser les unes les autres.
La question étant : est-ce qu'on aurait pas autre chose à foutre plutôt que nous tirer dans les pattes ?
Rien n’est jamais blanc ou noir, certes. Mais si je vois le tweet d’une femme avec laquelle je ne suis pas d’accord, je vais plutôt opter pour le fait de ne pas lui donner d’importance, sans retweeter pour afficher sa bêtise.
En fait, je considère qu'à partir du moment où une personne cherche à faire des efforts, sur n'importe quel domaine que ce soit, nous devrions être dans une démarche de soutien plutôt que de pointer du doigt le moindre écart qu'elle pourrait faire.
L’exemple concerne l’écologie, mais en fait, il est tout à fait transposable aux questions féministes. Selon moi, afficher une femme sur la place publique parce qu’elle n’a pas exactement le même positionnement que soi ce n’est pas de la sororité. C’est contre-productif alors que nous devrions être dans une dynamique de camaraderie pour nous aider à progresser. Parce que plutôt que de s’élever, nous préférons rester cloîtrées dans le jugement, ce qui a pour conséquence de renvoyer aux autres une impression de division, de dispersion. Alors que l’idée est au contraire de s’unir et de se galvaniser les unes les autres.
La question étant : est-ce qu'on aurait pas autre chose à foutre plutôt que nous tirer dans les pattes ?
Rien n’est jamais blanc ou noir, certes. Mais si je vois le tweet d’une femme avec laquelle je ne suis pas d’accord, je vais plutôt opter pour le fait de ne pas lui donner d’importance, sans retweeter pour afficher sa bêtise.
En fait, je considère qu'à partir du moment où une personne cherche à faire des efforts, sur n'importe quel domaine que ce soit, nous devrions être dans une démarche de soutien plutôt que de pointer du doigt le moindre écart qu'elle pourrait faire.
Chercher la petite bête, ce n'est pas faire preuve de sororité.
J'ai
hésité à écrire cet article. Par peur de cette cancel
culture,
par peur que mes propos soient déformés et écartés de leur
contexte. Pourtant si j'ai créé ce blog qui n'est limité à aucun
thème précis, c'est justement pour pouvoir écrire sur le sujet qui
me plaît, sans me contraindre (mais surtout parce que je voulais
parler de bouffe et de sorties). De manière générale, je réfléchis
longtemps avant d'écrire un article traitant de féminisme et de
militantisme. Déjà parce que je sais que les gens qui ne seront pas
d'accord avec moi se feront un malin plaisir de glisser dans mes dm
pour m'expliquer en 24 points pourquoi j'ai tort. Mais surtout parce
que j'ai peur de ne pas avoir les mots justes, de dire LA phrase de
travers qui pourrait « justifier » un cyber-harcèlement.
Marie
de MadmoiZelle a écrit un excellent article au sujet de la cancel
culture que
je vous invite à lire si le sujet vous intéresse. En fait
plutôt que de dénoncer une personne en particulier, pourquoi ne pas
simplement dénoncer la pratique, sans que la possibilité de
remonter à la personne ne soit trop obvious ? Parce qu’on a le
droit de pas être d’accord et de le montrer, mais est-ce qu’on
est vraiment obligées de nommer ?
Je ne comprends pas pourquoi la peur devrait venir de notre propre camp.
Enfin, et c'est par là que je terminerai : ne vous servez pas de cet article pour cracher sur les féministes. Ce que je vous propose ici c'est un raisonnement avec des nuances, pas une excuse pour engendrer de la haine.
Merci et bisous.
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