mardi 10 mars 2020

Militantisme et réseaux sociaux – Est-ce que tout doit être politique ?

C'est une question que j'ai commencé à me poser au moment où j'ai écrit cet article : est-ce que tout doit être politique ?




Dans cet article, je cite une courte interview du formidable Billy Porter qui expliquait à quel point il tenait à ce que chacune de ses apparitions publiques soit teintée de militantisme, notamment au niveau vestimentaire. Et il excelle en la matière puisque je pense que nous sommes beaucoup à attendre ses prochains looks lors des cérémonies d’envergure.



Le militantisme de Billy Porter se voit beaucoup dans la mode, il défend l’idée qu’un homme puisse porter des robes et des jupes tout en étant considéré comme quelqu’un de fort. Non pas dans le simple but de combattre les concepts de masculinité toxique et de virilité (un homme doit être robuste, ne doit pas montrer ses émotions...etc.), mais aussi dans l’idée que les femmes sont tout aussi incroyables. Et que les jupes et les robes, portées par des hommes ne devraient pas être sujets de moqueries puisque les femmes sont égales aux hommes.

Je vous remets la vidéo ici si ce n’est pas clair :



Le choix de Billy Porter est quelque chose que j’admire. Nous avons manifestement besoin de plus de personnes comme lui sur le tapis rouge pour bousculer les institutions en place et faire changer les choses. Mais en prenant un peu de recul sur la question, je me suis demandée si tout ce que nous faisions publiquement devait être teinté de militantisme ? Je suis certes loin d’être Billy Porter, mais je n’ai pas pu m’empêcher de me poser la question à mon échelle et au niveau des personnalités du web (je parle comme une adulte de 40 ans, ça va vous ?).

Sur ce blog, je vous présente des restaurants comme je vous donne mon avis sur des films. Mais je m’essaye aussi à vous livrer des réflexions personnelles, à vocation militante. J'ai peut-être été tentée d'orienter cet espace vers un thème plus engagé, mais je suis toujours revenue à mon envie première : parler de tout et de rien. Pourtant, je ne vais pas le cacher : j'aime particulièrement écrire sur des sujets un peu plus « sérieux ».

Mais alors : pourquoi ne pas écrire seulement sur ces sujets là ?


Parce que selon moi et dans mon cas, tout ne doit pas être politique.

Quand j'ai commencé ce blog, cela faisait déjà plusieurs années que j'écrivais sur Internet. Mon dernier projet en date à l'époque : un blog sur la Photo, qui me permettait de dénicher des talents et d'interviewer des gens que j'admirais. C'était cool, j'aimais ce que je faisais, mais je sentais que j'avais plus de choses à dire, sur d'autres thèmes, et qu'il fallait que je change de cap.

En lançant Shetoutcourt, je me suis donc fixée une seule règle : n'en n'avoir aucune. Parce qu'après tout, c’est à ça que ressemble ma vie : je ne tiens pas forcément à être spécialiste d'un truc en particulier et de m'y tenir pour l’éternité. J'ai envie d'apprendre plein de choses et je n'ai aucune envie de me restreindre à un seul domaine (ce qui a tendance à rendre mon emploi du temps particulièrement infernal).


Quand on me dit que je dois faire un choix entre la Photo et la rédaction

Même si mon rejet du temps libre et du repos relève sûrement de la psychiatrie, il n'en demeure pas moins que cette règle que je me suis imposée n'est jamais vraiment remise en question. Et à chaque fois qu'on me demande de parler de mon blog, je présente cette ligne directrice comme un truc immuable.

Bien sûr, j’ai envie de réfléchir, d’ouvrir des discussions avec vous pour aborder des thèmes plus sérieux. Mais la réalité n’est pas faite que de choses sérieuses et parfois, j’ai juste envie de vous montrer mes nouvelles pompes.



En même temps, il y a tellement de nouvelles négatives dans ce bas monde qu’il est difficile de constamment garder la tête hors de l’eau et de ne pas se laisser piéger par la déprime.

Dimanche dernier, j’assistais à une table ronde organisée par Mymy de MadmoiZelle.com, avec la formidable Esther Reporter et Marie Camier Théron, mon binôme de la vie aux Internettes. La discussion portait sur le féminisme positif et la question était de savoir si un tel féminisme était possible dans les médias.

Aux Internettes, nous avons fait le choix de ne plus participer aux débats sur le cyber-harcèlement. Nous ne voulons absolument pas minimiser le problème ou même l’invisibiliser, mais nous souhaitons avant tout encourager les créatrices à se lancer et à les faire monter en compétence. Après le temps de dénonciation, nous nous attelons à motiver les meufs qui voudraient se lancer ou se professionnaliser. Et c’est une chose importante pour nous, à titre collectif comme individuel.

Je parle pour mon cas précis mais personnellement je n’aurais pas pu rester autant de temps dans cette formidable association si nous n’avions fait qu’aborder le fléau du cyber-harcèlement et toutes les autres difficultés que rencontrent les créatrices.

Parce qu’en tant qu’individu, j’ai moi aussi besoin d’amener du positif dans ma vie, pour éviter ce que l’on appelle le burn-out militant.


Moi quand JPP de la vie

Le burn-out militant est le fait pour une personne (bénévole d’une association ou simplement rattachée à une cause), de ne plus supporter le poids de son engagement. Paye Ta Schneck, qui recensait les cas de harcèlement de rue vécus par les femmes avait annoncé son arrêt, après avoir lu bien trop de témoignages difficiles ou tout simplement néfastes pour le moral. Ce poids des témoignages donc, des constats négatifs, ajouté à la pression que les autres peuvent mettre sur ces militant·es. Et sans même parler de la pression des autres, il y a aussi le poids qu’on se met soi-même sur les épaules. Parce qu’évidemment quand on milite, on n’a jamais l’impression d’en faire assez. Typiquement, j’essaye de ne pas m’en vouloir quand je vois toutes les manifestations et autres marches s’organiser pour des causes qui me tiennent à cœur mais que je fais le choix de ne pas y participer tout simplement parce que je crains véritablement les mouvements de foule suite à plusieurs mauvaises expériences. Ça m’embête, puisque moi aussi j’aimerais être de ces moments, mais j’ai fait le choix de militer autrement. Et notamment en vous parlant.

Dans cette idée de protection, il fallait aussi que je puisse avoir un terrain de jeu sur ce blog comme sur mes réseaux sociaux. Si l’engagement me tient énormément à cœur, nul ne pourra nier qu’il est parfois reposant voire indispensable de faire des pauses pour rigoler.

En fait, le blog Shetoutcourt, je l'imagine comme une discussion entre potes. Un coin où l'on peut trouver de bons tuyaux comme des articles qui font un peu plus réfléchir sur la société (je n'ai pas cette prétention mais j'essaye en tout cas de soulever des débats).

Réfléchir profondément, c'est cool. C'est crucial même. Mais je n'ai pas envie de devoir penser à chaque acte public pour savoir s'il permet aux gens de prendre conscience d'une chose ou pas. Si j'ai envie de faire 45 minutes de stories sur le fromage, j'ai envie de pouvoir le faire sans me prendre la tête et devoir me justifier.



Au-delà de ça, je pense que pour mon profil, mes messages plus engagés ont beaucoup plus d’impacts lorsqu’ils sont noyés dans un flot de publications et d’articles qui parlent de tout et rien. Parce que je ne cherche pas forcément à m’adresser à un public de convaincu·es. C’est très cool d’être d’accord entre nous et merci d’être là pour ça, mais je serais aussi très fière d’apprendre que quelqu’un a changé d’avis sur une question féministe ou écologique grâce à moi. Je ne prétends pas détenir la vérité, mais si ça peut empêcher une personne d’avoir un comportement moins con en ne jettant pas ses ordures par terre par exemple, c’est toujours ça de pris. J’ai aussi envie que mon militantisme soit là où on ne l’attend pas forcément. Pour surprendre et toucher des publics plus divers, donc.

Bon après je ne vous dit pas que je réussis, mais en tout cas : j’essaye.

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