mardi 11 février 2020

Sororité – Une histoire d'amour et de haine


Je croise de plus en plus la route du terme « sororité » au fur et à mesure de mes divagations sur les réseaux sociaux. Qu'importe la plateforme, je finis toujours par tomber dessus. Oui bon : je traîne souvent dans les cercles féministes, militants, pour voir ce qui se dit, ce qui s'y fait, se tenir au courant des choses quoi. Et forcément, c'est un vocabulaire que j'ai fini par intégrer. Mais laissez-moi vous raconter la relation complexe que j'ai avec ce mot.



D'après le dico, la sororité désigne une « attitude de solidarité entre femmes » (Larousse, toujours al pour les bons bails). On parle donc du fait d'être liées les unes aux autres, d'avoir des intérêts communs.

Dans l'idée, ce mot et le concept qui s'y rattache me tiennent à cœur. Bien entendu, je veux que les femmes se soutiennent entre elles. J'estime d'ailleurs être dans une dynamique d'entraide et de positivité. La sororité au sens où je l'entends, c'est par exemple soutenir les femmes artistes que je découvre, partager leurs créations sur mes réseaux sociaux, leur filer des tips pour une chose ou une autre, bref être dans l'encouragement et les conseils. Le mot sororité, pour moi c'est de la bienveillance à l'état pur.



J'ai pourtant l'impression que d'une part c'est un terme qui est parfois mis à mal et de l'autre, je ne peux pas m'empêcher de m'interroger sur tout ce que cela implique.

Quand je dis que ce terme est mis à mal, c'est parce que j'ai vu plusieurs fois passer des messages appelant à plus de sororité dans un milieu qui se voulait bienveillant. Je repense par exemple à l'illustratrice Cy. qui a été contrainte d'expliquer pourquoi elle n'acceptait pas les demandes d'illustrations gratuites pour les collectifs féministes.




Évidemment, je sais aussi que ce genre de collectifs ne roule pas sur l'or voire ne roule sur rien du tout. Mais culpabiliser quelqu'un sur son refus de se retrouver dans une situation de précarité, c'est quand même fort de café. Dans ce cas, invoquer la cause et attendre la personne propose son aide d'elle-même me paraît être une démarche plus viable et respectueuse des autres.

D'un autre côté, comme je le disais, j'ai la sensation que le terme de sororité implique des choses pour lesquelles je ne souhaite pas signer.


Comme dans tous les milieux militants, j'ai l'impression que peu à peu se développe une certaine concurrence des milieux féministes. Que l'on voit de plus en plus éclore le jeu de « qui sera la meilleure féministe ?».



Si l'on prend les cas des abonné·es qui reprochent aux vidéastes leurs agissements sous certaines vidéos, j'ai encore du mal à accepter que l'on puisse tacler quelqu'un qui ne ferait pas assez d'effort selon Jean-Michel Engagé. Oui ok, la phrase ne voulait pas dire grand chose alors je prends l'exemple que j'avais cité dans cet article.

« Coline, la créatrice du blog et de la chaîne YouTube Et Pourquoi Pas Coline est vegan. C'est un sujet qui lui tient à cœur, tout comme celui de l'écologie. L'affinité qu'elle a pour ces sujets a fait qu'elle a produit et continue parfois de produire un certain type de contenus visant à donner des conseils ou sensibiliser là dessus. Si bien que lorsqu'elle explique dans un tout autre type de vidéo qu'elle a enfin réussi son permis moto et qu'elle raconte la joie dans l'âme qu'elle a pu faire une balade à moto pendant 1 heure avec son compagnon un week-end, un certain nombre de personnes lui répondent qu'il est tout à fait scandaleux qu'elle utilise sa moto pour une balade, elle qui sensibilise à l'écologie.









Évidemment ce n'est qu'un exemple tiré d'une vidéo, mais c'est comme ça pour tout. On va crier au scandale si elle a eu le malheur de porter une veille paire de chaussures en cuir ou que sais-je. C'est quelque chose que l'on voit beaucoup lorsque des influenceur·euses vont se réclamer vegan par exemple et je dois avouer que j'ai du mal à accepter ce type de commentaires condescendants, en partie à cause de la pression et les angoisses que ça doit engendrer. »

L’exemple concerne l’écologie, mais en fait, il est tout à fait transposable aux questions féministes. Selon moi, afficher une femme sur la place publique parce qu’elle n’a pas exactement le même positionnement que soi ce n’est pas de la sororité. C’est contre-productif alors que nous devrions être dans une dynamique de camaraderie pour nous aider à progresser. Parce que plutôt que de s’élever, nous préférons rester cloîtrées dans le jugement, ce qui a pour conséquence de renvoyer aux autres une impression de division, de dispersion. Alors que l’idée est au contraire de s’unir et de se galvaniser les unes les autres.

La question étant : est-ce qu'on aurait pas autre chose à foutre plutôt que nous tirer dans les pattes ?



Rien n’est jamais blanc ou noir, certes. Mais si je vois le tweet d’une femme avec laquelle je ne suis pas d’accord, je vais plutôt opter pour le fait de ne pas lui donner d’importance, sans retweeter pour afficher sa bêtise.

En fait, je considère qu'à partir du moment où une personne cherche à faire des efforts, sur n'importe quel domaine que ce soit, nous devrions être dans une démarche de soutien plutôt que de pointer du doigt le moindre écart qu'elle pourrait faire.
Chercher la petite bête, ce n'est pas faire preuve de sororité.

J'ai hésité à écrire cet article. Par peur de cette cancel culture, par peur que mes propos soient déformés et écartés de leur contexte. Pourtant si j'ai créé ce blog qui n'est limité à aucun thème précis, c'est justement pour pouvoir écrire sur le sujet qui me plaît, sans me contraindre (mais surtout parce que je voulais parler de bouffe et de sorties). De manière générale, je réfléchis longtemps avant d'écrire un article traitant de féminisme et de militantisme. Déjà parce que je sais que les gens qui ne seront pas d'accord avec moi se feront un malin plaisir de glisser dans mes dm pour m'expliquer en 24 points pourquoi j'ai tort. Mais surtout parce que j'ai peur de ne pas avoir les mots justes, de dire LA phrase de travers qui pourrait « justifier » un cyber-harcèlement.

Marie de MadmoiZelle a écrit un excellent article au sujet de la cancel culture que je vous invite à lire si le sujet vous intéresse. En fait plutôt que de dénoncer une personne en particulier, pourquoi ne pas simplement dénoncer la pratique, sans que la possibilité de remonter à la personne ne soit trop obvious ? Parce qu’on a le droit de pas être d’accord et de le montrer, mais est-ce qu’on est vraiment obligées de nommer ?

Je ne comprends pas pourquoi la peur devrait venir de notre propre camp.

Enfin, et c'est par là que je terminerai : ne vous servez pas de cet article pour cracher sur les féministes. Ce que je vous propose ici c'est un raisonnement avec des nuances, pas une excuse pour engendrer de la haine.
Merci et bisous.

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